Les monuments mégalithiques de Rocheville

La colline des Grosses Roches est un site de grès chaotiques classé site naturel. Elle recèle au moins trois allées couvertes connues en tant que telles depuis le début du XVIIIe siècle. Sur cette colline, un moule à « coins » (on nommait ainsi les haches de bronze), de bronze, en parfait état, a été découvert à cette époque ainsi qu’une hache en silex « cireux », d’une longueur de 25 cm figurant au musée de Cherbourg.

ALLÉE COUVERTE DE LA PETITE ROCHE (ou Pierres aux Druides)

AC Petite Roche fig.13Historique
signalée en 1826 par Le Fillastre, elle parait déjà très dégradée en 1906 lorsque L. Coutil la fait classer Monument Historique (1) ; elle est menacée à plusieurs reprises d’être détruite par les habitants vers 1905.Classée MH en 1906. Une fouille clandestine de 40 x 50 x 20 cm de profondeur a été signalée vers 1921 par Coutil en 1929. Aucune trouvaille n’a été signalée.

Situation
Bois de la Grosse Roche (classé site naturel en 1905) versant occidental, section E3  959 du cadastre. Le monument se trouve au nord d’un chemin conduisant au site, dans une zone boisée.

StructureAC Petite Roche fig.14
Tables et supports étaient déjà disloqués au début du siècle. L. Coutil (voir illustration ci dessous) signale 6 tables en grès dont 5 en place en 1896, puis 7 tables plus ou moins inclinées, 14 supports au nord, 15 au sud en 1906.Selon lui, la largeur du vestibule est de 1 à 1,2 m tout comme la hauteur. La longueur totale du monument est de 19 m environ et l’orientation est est-ouest. Le plan levé en 1988 laisse penser qu’il y avait au total 9 tables en grès reposant sur 16 supports au nord et 14 au sud. Toutefois, il n’est pas exclu que d’autres éléments de l’allée couverte soit enterrés sur le lieu même ou à proximité puisque, par exemple, l’une des tables gît actuellement à plus de 3 mètres à l’ouest. L’ensemble du monument est très dégradé et mériterait d’urgence une restauration. L’une des tables occidentales est brisée en deux fragments. Bien que très abîmé, il est possible de reconnaître un monument à supports parallèles dont l’entrée se faisait probablement par l’est. La longueur était de l’ordre de 20 mètres.

AC Petite Roche fig.11

Il s’agissait donc d’une allée couverte dont l’entrée se faisant par l’est (2). En raison de l’état des éléments, il est impossible de préciser une organisation interne de la sépulture.

Mobilier
Bien qu’aucune fouille n’ait eu lieu, il est intéressant de noter qu’en 1872 ou 1873, une hache polie en silex a été découverte « près de l’allée couverte des Grosses Roches ». La longueur de cette pièce est de 25 cm, pour 7,5 cm au taillant et au sommet. Elle figure actuellement au Musée de Cherbourg.

Art rupestre
Aucun apparent actuellement. La restauration des supports et des tables est indispensable pour le confirmer.

Stratigraphie
Inconnue.

Plan : Auboire 1987
AC Petite Roche fig.12

(1) Il ne reste que 46 pierres du monument en 1833, 41 actuellement.
(2)Confirmé par Le Filliastre en 1933 (p.248).

 

L’ALLÉE COUVERTE DU CATILLON

Situation
Commune de Rocheville, Bois de la Grosse Roche,  à quelques centaines de mètres de l’allée couverte des Petites Roches, à 1500 mètres de l’allée couverte des Forges et à 50 mètres au nord du hameau du Catillon. Monument disparu.

Structure
Le Fillastre donne une longueur de 52 pieds pour une longueur et une hauteur de un mètre :
« Ces deux lignes de jambage ont été assez bouleversées ; plusieurs de ces jambages ayant été enlevés, il n’en reste plus que 32, les uns en place, les autres plus ou moins dérangés. A l’extrémité sud-ouest, la galerie était ouverte ; mais on a jeté, en cet endroit, dans son intérieur deux ou trois roches pour en obstruer sans doute l’entrée. L’extrémité nord-ouest est exactement fermée par une grande pierre plate mise en travers et verticalement. Un vide qu’on voit dans le rang des jambages qui est en face du nord-ouest, contre la pierre qui ferme la galerie, était peut-être une porte latérale. Au-dessus de cette porte présumée et au fond de la galerie, était placée horizontalement une grande et belle pierre plate et triangulaire, qui aurait pu servir, soit pour s’y tenir debout, soit pour marcher dessus, soit pour y faire des sacrifices, soit pour y allumer des feux. Les roches du toit ne sont plus en place : il n’en reste que 5 qui ont été renversées : elles sont de 5 à 8 pieds de long. Au sud-est de la galerie, le sol est à peu près au niveau du haut des jambages… Cette galerie se distingue des autres monuments de cette espèce par une addition bien remarquable : celle d’un dolmen à son extrémité nord-est. Il est formé de deux grosses roches, posées à chaque côté, dans l’alignement de deux lignes de jambages. Ces deux roches formant les jambages du dolmen, et celle qui le sépare de la galerie, supportent une grande pierre dont le dessus est aplat. et qui est encore en place …Enfin, une seconde roche était encore placée sur les jambages de ce dolmen, à présent elle est renversée sur la terre. Ce dolmen est ouvert au nord-est ; il est presque rempli d’argile qu’on y a jetée pour l’obstruer. Sa longueur est d’environ 7 pieds, sa largeur de 3 sa hauteur 4 pieds; ainsi la longueur totale du monument est de 59 pieds.

Des galeries couvertes analogues se retrouvent dans d’autres départements. » (p.247-248) .

AC Catillon fig.15Cette description très précise ne fut pas complétée par Coutil qui ne note, en 1896, que l’écroulement de cette partie du monument. En 1905, il semble que la partie « dolménique » a totalement disparu car Coutil n’en parle plus : « L’axe de l’allée est orienté NE-SW. Actuellement, l’intérieur mesure environ un mètre, sa longueur est de 17 m ; deux des dalles de la couverture sont encore en place, ainsi que 8 supports de chaque côté ; bien qu’en ruines, ce monument mériterait d’être sauvé pour rappeler l’ancien groupe des 3 allées couvertes distantes à peine d’un kilomètre. » En 1929, Coutil précise qu’il ne reste plus qu’une seule dalle de couverture au nord-ouest et une autre à l’extrémité de l’allée, à l’est. Il signale une dalle de fond, au sud-ouest, « qui est sans doute une dalle de couverture; et une autre verticale formant une sorte de chambre de 1,70 m de long. Il ne fait aucun doute que nous sommes en présence d’un monument unique dans le département puisque la description de Le Fillastre fait nettement référence non pas à un dolmen comme il le pensa mais à une cellule terminale, sorte de chambre supplémentaire isolée de la chambre principale par une dalle verticale et ouverte vers le nord-est. L’examen du plan publié par Coutil montre également la présence vers le sud-ouest d’une cloison délimitant, comme il le dit plus haut, une chambre de 1,70 m de long. Coutil ne précise pas si cette cloison présentait une forme particulière permettant le passage du vestibule au sud-ouest vers la chambre.

Ce type d’allée couverte à vestibule et cellule terminale est illustré en Bretagne par le site de Liscuit III (Laniscat, Côtes d’Armor) et se développe vers le 3e millénaire. Dans cette région, d’importantes gravures ont souvent été rencontrées sur les supports des cellules terminales. On suppose donc que devait se dérouler dans cette cellule, toujours accessible, quelques cérémonies religieuses ou incantatoires à la déesse des morts. On ne peut donc que regretter la disparition stupide de ce monument unique dans le département.

Stratigraphie
Aucune fouille ne semble jamais avoir eu lieu dans cette allée couverte; aucun mobilier signalé.

Plans : publiés par Mesnage et Nicollet (cité par Diard en 1927) et par Coutil en 1929 (figure 5)

ALLÉE COUVERTE DES FORGES (ou GALERIE DES FORGES)

Historique
Signalée au printemps 1826 et décrite en 1833 par Le Fillastre. Disloquée par les arbres dès cette époque, elle est détruite en 1903 ou 1905 pour empierrer un chemin. Selon certains auteurs, les vestiges giseraient dans la rivière proche de l’Ouve.

Situation
Commune de Rocheville, Bois de la Tombette, cadastre E N°650. Au pied de la colline, au nord-est d’un chemin appelé la Chasse-aux-Forges, difficile à trouver.

Structure
Monument orienté est-ouest de longueur 16 m, de largeur et hauteur 1 m. Extrémité orientale fermée par une grosse pierre placée debout en travers, extrémité occidentale ouverte. Voici la description qu’en fait Le Fillastre en 1833 : « Il n’existe plus que les deux tiers des pierres qui formaient les jambages, qui sont restés au nombre de 16 ; les unes sont encore en place, les autres penchent en dedans ou en dehors de la galerie, ou sont arrachées. Il n’existe plus que onze des roches qui formaient le toit ; elles sont allongées, aplaties et fort grosses. Leur longueur varie depuis 5 à 7 pieds (un pied égale 33 cm). Quatre sont encore en place sur leurs jambages, et trois d’entre elles ont le dessus assez droit pour qu’on ait pu aisément s’y tenir debout, ou même y marcher. Les autres pierres ont été renversées ou enlevées. Le côté ouest de la galerie est en partie rempli d’argile qu’on a jetée dans le dessein de l’obstruer, le long de la ligne de jambage du sud, on voit en dehors les trous où l’on a tiré cette terre ce qui indique qu’on se proposait encore de renverser les jambage et les pierres du toit. Cette galerie est la moins ruinée du département » (p. 246).

Mobilier
Aucun mobilier n’a jamais été signalé.

Plan : aucun connu.

Bibliographie
Le Fillastre P. Description des monuments druidiques de la Manche. Annuaire de la Manche 1833, p.220-263.
Jouan H. – Monuments mégalithiques de l’arrondissement de Cherbourg. Matériaux pour…- p.353
Coutil L. – Inventaire des monuments mégalithiques du département de la Manche. Congrès de l’A.F.A.S. 1906 Lyon, p.743.

AC Table des Fées fig.16DOLMEN DE LA TABLE DES FÉES (ou PIERRE PLATE)

Selon L. Coutil (1906), vers 1880, « on détruisit une très grosse pierre plate en grès quartzeux située dans le bois de la Grosse Roche (section E, n°1193) ; elle mesurait 4 mètres sur 3 mètres, un passage existait en-dessous, entre deux pierres. Nous n’avons pu obtenir d’autres renseignements pour pouvoir établir si c’était une table de dolmen ou une simple pierre à légende; elle se trouvait au pied de la Petite Roche, entre l’allée couverte de la Petite Roche et celle du Câtillon » (p.746).

Pour Le Fillastre (1833), il s’agirait de débris tirés de la Petite Roche. Cet auteur signale avoir trouvé à 4 mètres de cette table une couche de charbon à un mètre de profondeur, recouverte intentionnellement d’une couche d’argile, ce qu’il considère comme un argument en faveur d’une « pierre druidique ».

Quelques débris (les 2 pierres verticales dont parle Coutil ?) gisent encore à cet emplacement.

 

Bibliographie
L. Coutil, Inventaire des monuments mégalithiques du département de la Manche, AFAS, 1906

5 commentaires

  1. Très intéressant je vais mettre le lien sur mon article que je fais en ce moment sur Rocheville, il est vrai que je me posais beaucoup de questions sur ce que je venais de voir, mais ici j’ai trouvé beaucoup de réponses merci lylytop

  2. Beaucoup appris

  3. En 1905, l’écrivain-journaliste Charles CANIVET (1839-1911) publiait la nouvelle La pension de Jeannot dans le Petit Journal Illustré
    http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k716664r/f4.item.zoom

    Comme souvent avec lui, l’histoire est probablement inventée mais les lieux sont identifiables.
    Il se ballade ici entre Bricquebec et Valognes autour d’un mégalithe situé en haut d’un sentier abrupt. Il cite en fin de texte le Bois des Roches.
    Ne serait-ce les roches de Rocheville ?

    A noter qu’il s’est aussi servi du menhir de Nègreville dans son roman Jean Dagoury

  4. La Gazette de France 31/07/1839
    On écrit de Bricquebec (Manche). – Il est déplorable d’a voir a signaler la destruction d’un curieux monument druidique qui existait dans la forêt de Bricquebec. Ce monument était une longue suite de pierres brutes, entassées de main d’homme et formant un dolmen. La moitié des pierres ont été cassées, peut-être pour réparer les chemins, et le surplus ne tardera pas a subir le même sort. Est-ce par l’ordre ou par la tolérance des administrateurs de la forêt ? Dans l’un ou l’autre cas, ce vandalisme leur fait peu d’honneur. (J. de Coutances.)

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